À travers Ferrières
Parcours d'usagers
Intention
La chasse
Méthodologie
Suite et fin
L'herbier humain
Au gré de nos marches et de nos rencontres, par cet écart renouvelé et cette dimension ludique qui ont caractérisé notre démarche d’étude, quelques échos et récurrences ont retenu notre attention.

Usages / quadrillages, jeux & étonnement

L’attention au ludique et la posture du jeu revendiquée par notre groupe ouvre à une attention nouvelle à la forêt et aux multiples détails qui la constituent : paysages sonores quand l’on prête l’oreille, compositions paysagères, compression du temps et attention aux creux des espaces par le jeu. Déchets de toute nature, usages motorisés et piétons des grands axes - auxquels les personnes rencontrées affirment se cantonner ; nombre d’indices vont dans le sens d’usages multiples de la forêt (VTT, coupe de bois, sentiers de chasse et aménagements précaires - ponts, passerelles). Ces utilisations conventionnelles se recoupent alors et alternent avec des sculptures à l’échelle d’arbres entiers et de nombreuses lignes de désir qui s’ouvrent à proximité des sentiers battus, et plongent les détectives que nous étions, attentifs aux indices discrets, dans une forêt plus intime, plus sauvage, plus silencieuse, en un mot plus “forêt” au sens de l’horizon d’attente que l’on prête à l’existant.

Une illusion de nature

C’est que cette forêt de Ferrières, du moins le quartier de notre étude, reste pour nombre d’usagers croisés un signe de ce qu’est une forêt plus qu’une forêt à part entière. Si cela est désigné littéralement par Paul, enseignant, d’autres témoignages vont dans ce sens, deux dames retraités venues faire leur promenade journalière, un chef d’orchestre venu promener son chien pendant des heures et travailler au milieu des arbres, etc. : les ballades dans cette forêt sont une incursion dans le vert, le calme et l’air pur certes, mais ni dans l’état sauvage d’une faune et d’une flore maîtrisés, réduits parfois à un simple décor.

Tout se passe comme si c’était l’illusion de la nature que ces usagers viennent chercher en son sein, au travers de signes, d’indices - du vert et du silence, du calme et des arbres. De la promenade à la pratique sportive, en passant par le ressourcement ou la quête de l’inspiration cet espace semble pratiqué par les valeurs et connotations qu’il véhicule - forêt archétypale - davantage que pour ses qualités intrinsèques (professeurs de collèges sourds aux spécificités de sa faune, promenades régulières et réitérées sur le même axe, pratiques sportives inattentives à ses singularités, usant de ses aspérités comme d’un terrain de sport balisé). Mais là où ce constat fait sens, c’est qu’il est fait par les usagers eux-mêmes ; loin d’une interprétation d’étudiants pris dans leurs réflexes d’urbains, il découle d’une pratique régulière de la forêt. On n’est plus ici sur l’axe normatif des bonnes et mauvaises pratiques mais sur une parenthèse à laquelle, semble-t-il, il importe de prêter l’oreille : une forêt prise entre sa réalité, la manière dont on la pratique au quotidien sortant parfois des conventions ; et son image (imaginée, dessinée voire fantasmée), entre la carte abstraite et le territoire vécu.

Les propos recueillis vont dans le sens d’une sauvegarde de sa tranquillité actuelle, et d’un refus perceptibles d’aménagements à venir qui augmenterait sa fréquentation et son attractivité ; il semblerait, du moins chez les personnes rencontrées, que la valeur de cette forêt soit à trouver dans son calme et sa sérénité, fussent-ils une illusion. Telles sont les quelques lignes de force de l’analyse que nous vous remettons aujourd’hui. Approche sensible par le jeu et la conversation sur un échantillon restreint, prise de distance et écart envers ce que la forêt programme, notre démarche vaut par sa sincérité et ce qu’elle révèle de caché. Puisse-t-elle se faire le complément d’autres études sur la forêt de Ferrières et vous apporter d’autres éclairages. Voici du moins notre “ressenti”.

Les arpenteurs réguliers ou occasionnels semblent s'être approprier les lieux, la forêt devient pour eux un espace de sérénité qu’ils souhaitent voir préserver. Refusant tout “extra-aménagement” visant à en augmenter sa fréquentation, les usagers traversant quotidienne la forêt de Ferrières voient en elle un endroit paisible, un espace “pour eux”.
Nos Conclusions